jeudi 28 juillet 2011

Tu seras un homme, mon fils

Samedi dernier était organisé à travers tout le pays une étape marquante de la vie d'un homme, je dirais même un rite de passage exclusivement masculin : la circoncision.

Faisons un petit rappel morphologique pour ceux qui ne voient pas de quoi ca parle. La circoncision consiste à couper le prépuce de l'organe génital masculin pour en découvrir le gland de manière permanente. Malgré le côté un peu barbare de la manœuvre amputative, cela protège plus efficacement des infections et des virus. Et puis ça rend terriblement viril.

L'excès de peau, indépendantisé du reste de l’appendice mâle, goûte une liberté bien brève. Il finit dans l'estomac de l'oncle du circoncis, avalé avec un bout de banane en signe de communion.

Evidemment, cet épisode de la vie d'un homme est un peu sanguin. Ca a un coté traumatisant, je crois, de se faire tenir les membres par des adultes déterminés tandis qu'on vous guillotine net le bout du sexe. Le tout réalisé dans des cris et des rires de fête.

Aujourd'hui, la médecine adoucie l'épreuve car on anesthésie les enfants. Je vous laisse alors imaginer la force de ce moment par le passé....

Le fils de mon boss l'a vécu samedi dernier. C'est un grand événement dans la famille, et l'occasion de faire la fête. Le petit circoncis par contre n'en profite pas trop; son sexe ensanglanté lui passe sûrement l'envie de danser et rire.


Mais on se remet vite à cet âge là, et le petit garçon 2 jours après court à nouveau partout, batifole dans la poussière et terrorise les chiens du quartier. On ne noterait presque aucun changement à ses habitudes si ce n'est qu'il fait tout cela cul nu. Porter un slip ou tout autre vêtement en contact avec le zizi est encore une torture horrible !

D'autres enfants moins aisés, souvent en provenance de la brousse environnante, sont venus en famille à Mahajanga pour se faire circoncir. Le gouvernement de transition payait 600 circoncisions médicales avec anesthésie pour ces familles. Du monde s'était déplacé. Les conditions d'hygiène était un peu douteuse et le lieu de circoncision faisait un peu penser à un abattoir à prépuce, mais les 600 gamins y sont quand même tous passés dans la soirée, à bon rythme.

Cette nuit là, beaucoup de garçonnets sont devenus des hommes, dans le sang et les larmes.

mercredi 20 juillet 2011

Les vieux Wasa

"Wasa", c'est le terme générique pour parler du "blanc". Wasa veut dire littéralement "étranger", mais en pratique ce qualificatif ne concerne que les blancs. Par exemple les Sénégalais comme Awa sont des noirs, donc des étrangers, mais pas des Wasa.

A Mahajanga nous avons une foule de vieux Wasa. Ces types chauves et grisonnants qui viennent passer leurs vieux jours au soleil. Mais ce n'est pas exactement le soleil qui les attire.

C'est plutôt les jolies jeunes femmes malgaches qui les font pululer ici. On en croise en masse dans les parages, surtout dans les endroits un peu touristiques, les villas en bord de mer et les restaurants chics.

A force on s'y habitue, croiser ces couples dissonants, une belle jeune femme triste et sans conversation, habillée en léopard et montée sur ses talons, avec à son bras un chauve rabougris et impuissant.

J'exagère à peine le tableau : il y a beaucoup de tourisme sexuel à Madagascar.

Après une étude sociologique minimaliste, j'ai pensé qu'on pouvait les classer en 3 catégories :

- Les rangés. Ce sont les moins dangereux. Généralement séparés, ils refont un mariage à Madagascar avec une femme plus jeune que leur fille. Ils coulent maritalement des jours paisibles et moites, dans une belle villa très bien cloturée, un 4x4 neuf dans le garage. Il sont souvent un peu racistes, et certains le sont franchement.

- Les dom-juan tardifs. Ayant accumulé des frustrations diverses envers la gente féminine au cours de leur vie (rejet, manque, tromperie ou mariage raté), ils viennent se rattraper à Madagascar pendant leur retraite. Certains retrouvent même un temps l'érection de leurs 20 ans. On les entend se refiler les bons plans et les photos aguicheuses dans les recoins sombres des bars Majungais.

- Les pervers et assimilés. Ce sont les éléments les plus rares, quoique leur proportion ici est nettement supérieure à la moyenne mondiale. Difficile à démasquer, ils profitent de l'isolement de la brousse, des lacunes d'éducation, de la pauvreté et des moeurs légères pour sévir. Je ne préfère pas donner plus de détails...

Ces catégories ne sont évidemment pas définitives et certains sujets migrent de l'une à l'autre, plutôt généralement dans le sens descendant de la description. C'est que parfois, ils se font bien pigeonner par les Malgaches, ces vieux Wasa !

dimanche 10 juillet 2011

Un bout au bord

Poursuivons notre visite guidée de Mahajanga. Un élément incontournable de la culture locale est d'aller diner au bord de mer, sur la corniche.

Tous le monde s'y retrouve, surtout les week ends. On y rencontre toute la population de la ville, les amoureux dinent en tête à tête, les business man locaux font des repas d'affaire, les groupes amis déjà saoulent s'enivrent encore et les touristes prennent des photos haute résolution de 24 mégapixel. Les prix pratiqués sont malgaches, de même que l'ambiance, vivante et bruyante.

Les femmes qui vendent leur mets sont disposées en ligne, un petit fourneau à charbon à portée de main et entourées de tables bancales aux nappes multicolores. Le choix n'est pas aisé car elles vendent toutes strictement la même chose.

La commande de base est constituée de brochettes de zébu, accompagnées d'achard (crudités rapées servies dans un bol de bouillon froid) et bien sûr d'une bière THB GM (Grand Modèle).


Une petite parenthèse sur cette boisson phare de Madagascar, qui a pendant des décennies été la seule bière produite pour tous le pays. Personnellement je trouve qu'elle à une saveur fade et chimique, elle laisse un arrière-goût d'alcool frelaté et un mal de tête imparrable le lendemain. C'est un produit très populaire écoulé par milliers de litres chaque week-end. THB ne signifie pas Tétra-Hétil-Butilène (explication du goût et des effets uniques de cette boisson) mais Three Horse Beer. La "Bière des Trois Chevaux" pour les non-anglophones.

Voilà donc la base alimentaire d'un repas au bord, qu'on agrémente ensuite de petits amuses geules fort goutus, huileux et savoureux. Des samousas aux oignons, à la viande et à l'huile, des "Katless" aux patates, à la viande et à l'huile, des magniocs frits, des galettes frites, des bananes frites, etc etc. Ca donne un fast food très convivial autour du feu, on passe sa commande, ca chauffe 3 min sur le gril et on s'empiffre pour pas cher. C'est pauvre en vitamines mais on peut compenser au dessert avec une bonne glace au sirop de glucose colorée chimiquement.

Le cadre est très joli, face à la mer, et la rue est l'une des rares de la ville sans bancs de sable ni nids de poule. Le vent frais du large caresse les crânes échauffés des buveurs de THB et la lumière de tous les réverbères qui marchent encore scintille sur les lèvres nappées d'huile d'arrachide.

La réunion de cette masse humaine dans un cadre si merveilleux engendre de vrais défilés. Sur le macadam, ces messieurs font rutiler les moteurs de leurs mini-bus de travail japonais. Les LED multicolores flashent de partout et les enceintes crachent le plein volume. Des adolescents foncent plein gaz sur des scooters dont ils ne sont pas propriétaires, slalomant entre les ivrognes et les familles nombreuses.
Les jeunes femmes, en talon aiguille, défilent sur le trottoire et exposent leur appâts au plus offrant, espérant harponner un vieux touriste divorcé et pas encore trop chauve qui assurera leur avenir.

le bord de jour

Bref, c'est un endroit très vivant de Mahajanga et vraiment incontournable. Alors vous venez quand manger un bout au bord ?

lundi 4 juillet 2011

Mahajanga

Je pense qu'il est temps maintenant de présenter un peu plus la ville dans laquelle nous vivons avec Awa depuis 2 mois et demi. Nous nous sommes habitués petit à petit à cette ville et maintenant moins de choses nous surprennent, mais c'est tout de même un sujet digne d'apparaitre sur ce blog.

Mahajanga est située sur la côte Nord-Ouest du pays, à 12h de route de la capitale, en taxi-brousse (nettement plus en charette à zébus). La ville flotte entre deux eaux, celles de l'embouchure du fleuve Betsiboka et celles de la mer, appelée "Canal de Mozambique". L'eau tient une place centrale dans la ville, avec le port, la pêche, et les centaines de boutres qui cabottent à la voile sur le bord de mer. Madagascar est peut être le dernier pays au monde où toute la flotte fonctionne encore à voile.

La côte du Mozambique se situe en face de nous, là où le soleil se couche, à environ 500 km. Mayotte et les Comores sont aussi toutes proches. Les brassages culturels ont été nombreux avec ces peuples.

Car Mahajanga est sans conteste la ville la plus Africaine de toute l'île. Les gens sont très typés Africain, comparé au reste du pays où l'influence Asiatique est beaucoup plus nette .

Cette influence se ressent dans la musique, très rytmée et chaude, comparée aux chansons d'amour à la guimauve molle que prisent les gens de la capitale. La langue aussi est influencée par l'Afrique, et surtout le vocabulaire Swahili très employé dans e Malgache Majungais. Les gens nous disent même qu'ils reussissent à se faire comprendre au Mozambique et en Tanzanie, tandis qu'ils ont parfois des difficultés de compréhension avec les gens de Tana (alors que la langue Malgache est sensée etre unifiée à tous le pays).

L'influence Africaine marque aussi l'architecture, la cuisine, l'habillement, les coiffures, les habitudes culturelles, etc. Bizarrement, il ne faut surtout pas dire aux gens qu'ils sont Africains, au risque de les froisser. Madagascar est une île, et ça créer souvent des mentalités uniques. Les Malgaches soutiennent mordicus leurs origines Asiatiques, mais nient un quelconque lien avec l'Afrique.

le fameux "baobab de majunga" et la fameuse 4L, dans son sanctuaire Malgache

Au niveau du climat, c'est une des villes les plus chaudes et ensoleillées de l'île. La saison sèche s'étend sur une majeure partie de l'année, d'avril à novembre, et elle n'est pas séche à moitié, puisqu'il n'y pleut vraiment jamais. Tee-shirt et tongs au levé du lit sans posé de question, pendant 200 jours d'affilés. La chaleur est pesante et écrasante presque toute l'année, le soleil cogne méthodiquement, sans pitié et liquéfie toute motivation humaine et animale entre 10h et 15h. En ce moment, nous sommes en plein creux de l'hiver, ce matin par exemple j'ai mis un pull et l'ai supporté jusqu'à 8h, c'est dire comme les hivers sont rigoureux.

Mahajanga est peuplée, les quartiers n'en finissent pas de s'étendre, d'ailleurs pas grand monde ne sait combien de gens y vivent. On estime une fourchette entre 100 000 et 300 000 habitants, voire plus, voire moins. Il semblerait que ca soit la deuxième ville du pays. L'emploi ne se trouve pas facilement et les gens ont beaucoup affaire à la débrouille, aux petits boulots, aux menus larcins.

D'un point de vue touristique, le coin est riche avec plusieurs belles plages dans la ville et les alentours, des sites naturels exceptionnels (grottes, lacs), de beaux hôtels et un grand parc naturel à moins de 2h de route (autant dire la porte à côté !). N'hésitez pas à venir vérifier tous ca par vous même.

Mahajanga compte aussi pas mal de coins sympas, de choses insolites, d'habitudes culturelles, mais je ne vais pas développer maintenant, ca fera l'objet de futurs messages thématiques...