lundi 18 juin 2012

Fin d'une aventure

J'écris ce message depuis la France pour clôturer le blog Clemagascar. Le récit d'une aventure de 14 mois à Madagascar s'achève donc ici et maintenant.

Je retiendrai beaucoup de choses de cette période de ma vie. Tout d'abord les gens rencontrés au fil des jours et des voyages. Ensuite, la culture du pays, la langue, la cuisine, la musique. Les paysages aussi m'ont marqué, si grandioses, si diversifiés. Enfin, le travail réalisé et l'expérience acquise, qui seront sûrement mis à profit dans mes projets futurs.

14 mois à Madagascar résumés en 8 chiffres, ça donne :

- 4 déménagements :


- 2400 heures de travail


- 550 km à la voile sur le canal du Mozambique


- 60 cm d'eau dans la maison



- 21 986 km en taxi brousse (soit plus ou moins 450 heures sur la route)


- des milliers de kWh solaire ou éolien pour les gens aux quatre coins du pays


En combinant tous cela, on obtient un tas de souvenirs qu'on emporte avec soi partout où l'on va.

A présent une nouvelle page de vie va s'écrire, sur un blog, un cahier ou dans un coin de mémoire. N'hésitez pas à me laisser vos impressions sur ce blog. Merci de m'avoir suivi pendant tout ce temps et à bientôt autour d'une table ou dans un troquet pour écouter les histoires Malgaches inédites en live !

VELOMA !

samedi 5 mai 2012

Coiffeur Jean Claude

Mon coiffeur s'appelle Jean Claude. Je l'ai déniché dans une petite rue du quartier après quelques tests peu convaincants chez quelques uns de ses concurrents.



Jean Claude est handicapé et se déplace dans son salon avec des béquilles. C'est pas évident car le salon est tout petit. C'est plus facile pour lui que je tourne le tabouret pour lui présenter la partie de mon crâne à travailler. Puisqu'on ne parle pas la même langue; on ne discute pas trop ensemble. Je lui dis juste "Mafana bé" (il faut très chaud) car c'est à peu près tout ce que je sais dire, et aussi car son salon est un vrai four.


Ledit salon ne manque pas de décoration avec les posters géants de cent coiffures pour blacks et les fleurs artificielles. Il y a même de la musique sur le poste radio, mais le son change quand Jean-Claude allume sa tondeuse, à cause de la multiprise chinoise qui tient en équilibre précaire. Je ne sais pas par quel phénomène métaphysique le moteur de la tondeuse change le rythme de la musique, toujours est il que cela donne un effet sympa et intimiste.

Jean-Claude ne m'a pas dit où il a appris la coiffure, mais entre ses mains on se sent un peu comme une œuvre d'art en devenir. L'artiste, sans discipline apparente, taille par ci, éclaircit par là. Un coup de tondeuse dans un sens, un aller retour dans le sens opposé... l’œuvre prends forme. Parfois, la tondeuse émet des bruits plaintifs mais ça fini quand même par couper. La finition se fait avec une lame de rasoir entre ses doigts et quelques gouttes de sueurs froides dans mon dos. Finalement, le résultat est très joli, avec parfois une conception de la symétrie tout à fait personnelle à l'artiste.

Je pars en payant le salaire de son travail, la bagatelle de 0,60 euros, et avec force sourires, gestes de remerciement et pouces dressés.


mercredi 21 mars 2012

En pirogue


J'ai fait un voyage en pirogue pour aller faire une maintenance le mois dernier. La pirogue malgache est un moyen de transport très usité sur la côte, on en voit par dizaines depuis la plage. Certaines servent aux pêcheurs qui partent à la journée. D'autres sont utilisées pour le transport de marchandises, sur de plus ou moins longues distances. Le gréement est un peu archaïque et virer de bord est une vraie galère, il faut au moins trois gaillards pour y parvenir. Trois personnes, c'est donc l'équipage de base d'une pirogue.



Les pirogues sont équipées d'un balancier pour la stabilité et employer une plus grande voilure. Cela leur donne un côté aérien très joli, je trouve.

Je pars avec Elia, un de nos ouvriers pour une mission sur place de trois à quatre jours. Le voyage allé nous a pris deux jours pour couvrir une distance de 80 milles environ (148 km). Les conditions de confort sont très limitées, avec une exposition totale et permanente au soleil et à la réverbération de la mer. Nous voyageons assis ou couché sur le tas de marchandises : sacs de ciment, de riz, boîte à outils, pales d'éolienne et autres objets durs ou contondants, parfois les deux. 



Un fait remarquable est que les durées sont allongées sur une pirogue. On observe une dilatation très nette du temps. Les secondes s'allongent et ramollissent au soleil. Les minutes s'étirent élastiquement. Les heures trainent, se prélassent, paressent. C'est agaçant. Le paysage de la côte, lointain, évolue avec une célérité d'escargot et il faut concentrer son regard sur un repère entre plage et horizon pour se convaincre que le bateau avance. Avez vous déjà regardé un film entier au ralenti x4? Mais l'avez vous fait pendant deux jours ?

la côte est quand même magnifique !
Il y aussi les moments sans vents. A la saison des pluies ils sont fréquents. Là aussi il faut attendre, mais encore plus fort que d'habitude. Faut attendre sans espérer, attendre une autre attente. Un vrai supplice !

Le menu à bord est composé de riz et d'eau. L'eau sert à boire et à cuire le riz. Le riz sert à remplir le ventre. La cuisine est placée à l'avant de l'embarcation : une marmite et un fourneau à charbon. La pauvreté du régime accentue la longueur du voyage car l'arrivée du repas ne provoque pas le moindre appétit, ni le plus petit plaisir de briser la routine  Je ne n'ai pas pu tenir ce rythme bien longtemps et ai cédé au pêché de gourmandise, en offrant à l'équipe du poisson séché, cuisiné dans une délicieuse sauce à l'eau salée. Au voyage retour, j'ai même connu le suprême plaisir d'un bouillon gastronomique aux bébés crevettes séchés, agrémentée d'eau citronnée !

Bon appétit !

La cuisine
Les pirogues naviguent seulement de jour, et comme le vent à cette saison souffle entre 10h et 17h, nous passons nos nuits à la belle étoile, sur la plage, abrités dans l'estuaire de quelque rivière paisible. On dort bien avec un demi kilo de riz dans le ventre. Les couchés de soleil sont sublimes également.

Bien heureusement nous finissons un jour par arriver à destination. Le coin est fort joli, cartepostalesque. Je ne m'étendrai pas sur le travail. Quelques photos parleront à ma place.




Trouvez Charly le lémurien
La veille du voyage retour, l'annonce du cyclone Giovanna ajourne nos plans. Ce gros cyclone de 1000 km de diamètre est en train d'entrer à Madagascar par la côte Est et nous en sentons déjà les effets, de l'autre côté du pays. Le vent souffle fort. Nous descendons les éoliennes. Après deux jours d'attente (encore), de supputations météorologiques sans radio, télévision, téléphone ni même baromètre, le capitaine nous annonce que le départ sera pour le lendemain. Tant mieux !
L'embarcation du retour est prête. Départ annoncé : 4h. Départ effectif : 10h
Il nous faudra pas moins de trois jours pour rentrer au bercail. Juste à temps car le cyclone qui se déclencha quatre jours après notre arrivée renda, lui, la mer impraticable pendant deux semaines.


samedi 3 mars 2012

Just Married


Pour ceux qui ne le savaient pas encore, pour ceux qui le pressentaient, ceux dans la confidence et ceux qui n’ont rien vu venir : nous voilà mariés ! Nous étions quatre à la mairie, mais heureusement un peu plus nombreux à la fête le soir. Un Français qui se marie à une Sénégalaise, à Madagascar, en présence de deux témoins Camerounais, c'est original, non ?






Awa et moi vous envoyons de grosses bises de nos contrées tropicales et vous disons à bientôt pour partager une coupe de champagne en votre chère compagnie!

jeudi 26 janvier 2012

Le parc de l'Antakarana


Ce fut la première chose effectuée en 2012. Visiter le parc national de l'Antakarana, situé tout au Nord du Pays. La particularité de ce parc est d'avoir de magnifiques "Tsingy", des formations calcaires verticales et effilées uniques au monde. La contemplation de ce beau spectacle nécessite deux heures de marche dans le parc. S'affranchir d'un droit d'entrée et être accompagné d'un guide sont également obligatoires pour jouir du lieu. 

Par mauvaise fortune notre guide désigné manquait d'allant et de conversation. On eût dit qu'il aurait préféré asseoir son derrière sur un banc et mâcher du Kat toute la journée en méditant sur des choses diverses que d'accompagner deux maudits Waza à marcher cinq heures dans les bois. Je comprends en même temps l’absurdité et la futilité de ce projet, vu d'un oeil villageois.

L'utilisation du kat est une culture importée de la corne de l'Afrique, très prisée dans le nord de Madagascar où il pousse aisément. A partir de 16h, on voit tous les hommes se fourrer des feuilles dans la bouche et les garder des heures en boule dans une joue. Cette drogue provoque chez eux un regard vide de ruminant stone et une demie face de hamster qui donnent une ambiance assez spéciale dans les rues en fin de journée. J'ai l'impression que le kat motive beaucoup les gens à travailler la journée pour ce plaisir planant du soir. Notre guide nous a avoué avoir un sacré faible pour cette plante. Fallait voir pétiller ses yeux de petit enfant quand il a évoqué l'idée d'en mâcher plein au retour de la visite

en route dans la nature luxuriante

notre petit guide assure péniblement son labeur


la "perte de rivière". Un bruit assourdissant à plus de 100m et une rivière qui disparaît dans un trou.

le trou, qui débouche finalement en mer, à 80km de là

il y a de la vie dans le parc, heureusement, seul une espèce de serpent est dangereuse à Madagascar

le plus gros mille pattes que j'ai pu voir

Awa pose devant le but de notre quête : les Tsingy !

Un beau champ de Tsingy

En route sur les tsingy. Le chemin a été aménagé par l'homme car les Tsingy sont éfilés et très très coupants.

un pont digne des films d'Indiana Jones

...et la pancarte d'avertissement qui l'accompagne, invisible dans le film...

une dernière photo pour avoir l'air cool

jeudi 12 janvier 2012

Mes meilleurs voeux

Je profite de ce premier message posté en l'an 12 de ce second millénaire après la naissance du Christ pour vous souhaiter à toutes et tous une année surprenante, captivante, dépaysante, plaisante, charmante et même excitante.
Je souhaite bientôt vous revoir tous et passer du temps en votre chère compagnie, ici et là, en France ou ailleurs.

Pour ma part, les nouvelles de la fin d'année passée et du début de celle en cours ont été riches en évènements de tout ordre. Pas toujours heureux. Tout d'abord la démission soudaine et brutale de mon ordinateur portable, fidèle compagnon depuis 5 ans, qui m'ampute en partie de mon lien virtuel avec la grande toile mondiale (et donc vous, chers lecteurs). Il n'aura pas résisté à la bataille Malgache.

Ensuite, j'ai connu quelques bobos plus ou moins douloureux, handicapant, voire emprisonnant (dans un rayon très serré autour d'un WC). De petites plaies prennent vite ici des proportions effrayantes. J'ai du coup révisé mon jugement sur les pansements, crèmes et autres désinfectants que je jugeai seulement bon à rassurer les fiottes hypocondriaques. Faut pas rigoler avec ces médecines précieuses qui peuvent vous sauver la vie.

Et enfin, le clou de la série est survenu il y a seulement quatre jours avec une inondation surprise en pleine nuit. Soixante centimètres d'eau dans la maison en moins de quinze minutes. Je ne croyais pas vivre ça une fois dans ma vie. Vous savez le fameux dilemme : si ma maison brûle, je sauve quoi en priorité ? Et bien on a vécu ça avec Awa à 1h30 du matin, ça fait tout drôle. Un vrai traumatisme qui me réveille encore en sursaut au milieu de la nuit ! Ça faisant bizarre de voir nos biens flotter au gré de leurs envies : ici une chaussure, là une bouteille, etc.

L'eau est vite redescendue et la maison était vide au matin (à part un film de boue de deux centimètres d'épaisseur), mais sur le coup, pris dans les brumes de la panique, j'ai placé quelques objets plus ou moins valeureux sur les étagères les plus hautes de notre logement, pensant que le niveau monterai sans fin. Deux mètres de hauteur me semblai une marge de sécurité très limitée. On a parfois l'impression que c'est la fin du monde quand le ciel et toute l'eau qu'il contient nous tombe sur la tête. Bref, cette nuit fut froide et sombre, sous une pluie dégringolant sans fin. A l'image de notre moral ...

état des lieux après le retrait des eaux


Depuis hier nous avons pu réaménager chez nous, avec l'impression d'être en camping et une odeur humide dans la narine. Mais le soleil brille par intermittence et nous avons finalement perdu moins d'affaires que prévu. Le moral revient doucement. Mais c'est pas facile, quand même, la vie sous les tropiques !


Restons tout de même objectifs : ces rudes aléas de démarrage ne sont que le présage d'une fin d'année au zénith du bonheur. Je vous laisse imaginer les joies immenses que je connaîtrais au mois de décembre prochain !

Paré pour la saison des pluies
Voilà donc le contact rétablit entre nous après cette absence due aux circonstances spéciales. A plus dans un prochain message, j'ai encore quelques aventures croustillantes à vous raconter...