J'ai fait un voyage en pirogue pour aller faire une
maintenance le mois dernier. La pirogue malgache est un moyen de transport très
usité sur la côte, on en voit par dizaines depuis la plage. Certaines
servent aux pêcheurs qui partent à la journée. D'autres sont utilisées pour
le transport de marchandises, sur de plus ou moins longues distances. Le gréement
est un peu archaïque et virer de bord est une vraie galère, il faut au moins trois
gaillards pour y parvenir. Trois personnes, c'est donc l'équipage de base d'une
pirogue.
Les pirogues sont équipées d'un balancier pour la stabilité et employer une plus grande voilure. Cela leur donne un côté aérien très joli, je trouve.
Je pars avec Elia, un de nos ouvriers pour une mission sur
place de trois à quatre jours. Le voyage allé nous a pris deux jours pour couvrir une
distance de 80 milles environ (148 km). Les conditions de confort sont très
limitées, avec une exposition totale et permanente au soleil et à la
réverbération de la mer. Nous voyageons assis ou couché sur le tas de
marchandises : sacs de ciment, de riz, boîte à outils, pales d'éolienne et
autres objets durs ou contondants, parfois les deux.
Un fait remarquable est que les durées sont allongées sur une pirogue. On observe une dilatation
très nette du temps. Les secondes s'allongent et ramollissent au soleil. Les
minutes s'étirent élastiquement. Les heures trainent, se prélassent, paressent.
C'est agaçant. Le paysage de la côte, lointain, évolue avec une célérité
d'escargot et il faut concentrer son regard sur un repère entre plage et
horizon pour se convaincre que le bateau avance. Avez vous déjà regardé un film
entier au ralenti x4? Mais l'avez vous fait pendant deux jours ?
la côte est quand même magnifique ! |
Il y aussi les moments sans vents. A la saison des pluies ils sont fréquents. Là aussi il faut attendre, mais encore plus fort
que d'habitude. Faut attendre sans espérer, attendre une autre attente. Un vrai supplice !
Le menu à bord est composé de riz et d'eau. L'eau sert à
boire et à cuire le riz. Le riz sert à remplir le ventre. La cuisine est placée
à l'avant de l'embarcation : une marmite et un fourneau à charbon. La pauvreté du
régime accentue la longueur du voyage car l'arrivée du repas ne provoque pas le moindre appétit, ni le plus petit plaisir de briser la routine Je ne n'ai pas pu tenir ce rythme bien longtemps et ai
cédé au pêché de gourmandise, en offrant à l'équipe du poisson séché, cuisiné
dans une délicieuse sauce à l'eau salée. Au voyage retour, j'ai même connu le
suprême plaisir d'un bouillon gastronomique aux bébés crevettes séchés, agrémentée d'eau citronnée !
Bon appétit ! |
La cuisine |
Les pirogues naviguent seulement de jour, et comme le vent à
cette saison souffle entre 10h et 17h, nous passons nos nuits à la belle étoile,
sur la plage, abrités dans l'estuaire de quelque rivière paisible. On dort
bien avec un demi kilo de riz dans le ventre. Les couchés de soleil sont sublimes également.
Bien heureusement nous finissons un jour par arriver à destination. Le coin
est fort joli, cartepostalesque. Je ne m'étendrai pas sur le travail. Quelques photos parleront à ma place.
Trouvez Charly le lémurien |
La veille du voyage retour, l'annonce du cyclone
Giovanna ajourne nos plans. Ce gros cyclone de 1000 km de diamètre est en train
d'entrer à Madagascar par la côte Est et nous en sentons déjà les effets, de l'autre côté du pays. Le
vent souffle fort. Nous descendons les éoliennes. Après deux jours d'attente
(encore), de supputations météorologiques sans radio, télévision, téléphone ni
même baromètre, le capitaine nous annonce que le départ sera pour le lendemain. Tant mieux !
L'embarcation du retour est prête. Départ annoncé : 4h. Départ effectif : 10h |
Il nous faudra pas moins de trois jours pour rentrer au bercail.
Juste à temps car le cyclone qui se déclencha quatre jours après notre arrivée renda,
lui, la mer impraticable pendant deux semaines.
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