mercredi 21 mars 2012

En pirogue


J'ai fait un voyage en pirogue pour aller faire une maintenance le mois dernier. La pirogue malgache est un moyen de transport très usité sur la côte, on en voit par dizaines depuis la plage. Certaines servent aux pêcheurs qui partent à la journée. D'autres sont utilisées pour le transport de marchandises, sur de plus ou moins longues distances. Le gréement est un peu archaïque et virer de bord est une vraie galère, il faut au moins trois gaillards pour y parvenir. Trois personnes, c'est donc l'équipage de base d'une pirogue.



Les pirogues sont équipées d'un balancier pour la stabilité et employer une plus grande voilure. Cela leur donne un côté aérien très joli, je trouve.

Je pars avec Elia, un de nos ouvriers pour une mission sur place de trois à quatre jours. Le voyage allé nous a pris deux jours pour couvrir une distance de 80 milles environ (148 km). Les conditions de confort sont très limitées, avec une exposition totale et permanente au soleil et à la réverbération de la mer. Nous voyageons assis ou couché sur le tas de marchandises : sacs de ciment, de riz, boîte à outils, pales d'éolienne et autres objets durs ou contondants, parfois les deux. 



Un fait remarquable est que les durées sont allongées sur une pirogue. On observe une dilatation très nette du temps. Les secondes s'allongent et ramollissent au soleil. Les minutes s'étirent élastiquement. Les heures trainent, se prélassent, paressent. C'est agaçant. Le paysage de la côte, lointain, évolue avec une célérité d'escargot et il faut concentrer son regard sur un repère entre plage et horizon pour se convaincre que le bateau avance. Avez vous déjà regardé un film entier au ralenti x4? Mais l'avez vous fait pendant deux jours ?

la côte est quand même magnifique !
Il y aussi les moments sans vents. A la saison des pluies ils sont fréquents. Là aussi il faut attendre, mais encore plus fort que d'habitude. Faut attendre sans espérer, attendre une autre attente. Un vrai supplice !

Le menu à bord est composé de riz et d'eau. L'eau sert à boire et à cuire le riz. Le riz sert à remplir le ventre. La cuisine est placée à l'avant de l'embarcation : une marmite et un fourneau à charbon. La pauvreté du régime accentue la longueur du voyage car l'arrivée du repas ne provoque pas le moindre appétit, ni le plus petit plaisir de briser la routine  Je ne n'ai pas pu tenir ce rythme bien longtemps et ai cédé au pêché de gourmandise, en offrant à l'équipe du poisson séché, cuisiné dans une délicieuse sauce à l'eau salée. Au voyage retour, j'ai même connu le suprême plaisir d'un bouillon gastronomique aux bébés crevettes séchés, agrémentée d'eau citronnée !

Bon appétit !

La cuisine
Les pirogues naviguent seulement de jour, et comme le vent à cette saison souffle entre 10h et 17h, nous passons nos nuits à la belle étoile, sur la plage, abrités dans l'estuaire de quelque rivière paisible. On dort bien avec un demi kilo de riz dans le ventre. Les couchés de soleil sont sublimes également.

Bien heureusement nous finissons un jour par arriver à destination. Le coin est fort joli, cartepostalesque. Je ne m'étendrai pas sur le travail. Quelques photos parleront à ma place.




Trouvez Charly le lémurien
La veille du voyage retour, l'annonce du cyclone Giovanna ajourne nos plans. Ce gros cyclone de 1000 km de diamètre est en train d'entrer à Madagascar par la côte Est et nous en sentons déjà les effets, de l'autre côté du pays. Le vent souffle fort. Nous descendons les éoliennes. Après deux jours d'attente (encore), de supputations météorologiques sans radio, télévision, téléphone ni même baromètre, le capitaine nous annonce que le départ sera pour le lendemain. Tant mieux !
L'embarcation du retour est prête. Départ annoncé : 4h. Départ effectif : 10h
Il nous faudra pas moins de trois jours pour rentrer au bercail. Juste à temps car le cyclone qui se déclencha quatre jours après notre arrivée renda, lui, la mer impraticable pendant deux semaines.


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